Une crise diplomatique latente est apparue entre le Sénégal et la Mauritanie au sujet de la nomination des navires qui doivent intervenir sur la plateforme du gisement gazier de Grand Tortue Ahmeyim. Selon nos confrères d’Africa Intelligence, Dakar et Nouakchott ne sont pas parvenus à un accord concernant les noms des navires de support, c’est-à-dire des bateaux de soutien aux opérations pétrolières affrétés autour de ce gisement transfrontalier.
Au départ, cela semblait être une tâche anodine : baptiser quatre navires de soutien fournis par le consortium Kotug/Maritalia pour les partenaires du champ gazier GTA, exploité par BP en partenariat avec Kosmos Energy et les compagnies pétrolières nationales du Sénégal, Petrosen, et de la Mauritanie, la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH).
Début août, chaque partenaire du consortium a eu la possibilité de nommer l’un des navires. BP a proposé le nom de « Waalo », en référence à la région située à l’embouchure du fleuve Sénégal. Kosmos a choisi « Chamama », nom d’une zone située à 60 km au nord-est de Saint-Louis, qui abrite l’un des plus grands parcs ornithologiques du monde. Cependant, Petrosen a opté pour « Talatay Nder », en référence à un village sénégalais chargé d’une histoire douloureuse
Le choix de ce nom par Alioune Guèye, le nouveau directeur général de Petrosen Holding, a provoqué la colère de Nouakchott. En wolof, « Talatay Nder » rappelle un événement tragique survenu en mars 1820 dans le village de Nder, près de la frontière avec la Mauritanie. Une troupe de Maures venus du nord du fleuve Sénégal, dans l’actuelle Mauritanie, avait tenté de capturer les femmes du village pour les réduire en esclavage. Refusant de se soumettre, les femmes de Nder avaient choisi de se suicider ensemble, un sacrifice qui est encore commémoré chaque mois de novembre.
Lorsque la partie mauritanienne a appris le nom choisi par Petrosen, elle s’est sentie offensée et a décidé de changer sa proposition initiale en « Bilad Chinguetti », qui signifie « le pays des Maures ». Les autorités mauritaniennes ont été profondément troublées par le choix du Sénégal, jugeant cette référence historique inappropriée.
Pour éviter une escalade diplomatique, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko et le président Bassirou Diomaye Faye ont pris contact avec Nouakchott durant la semaine du 8 septembre, afin de désamorcer la situation. Les deux pays ont tout intérêt à maintenir de bonnes relations diplomatiques, notamment dans le cadre des négociations en cours avec la société pétrolière britannique concernant les coûts de développement de GTA. Ces coûts ont presque doublé depuis le lancement du projet et ont été contestés lors d’un audit réalisé en avril à la demande des autorités mauritaniennes. Le Sénégal et la Mauritanie devront collaborer pour renégocier ces coûts avec BP.