Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, est rentré dans son pays ce 3 mars 2025 après une série de rencontres internationales, notamment avec son homologue russe Vladimir Poutine. Ce retour intervient dans un contexte politique particulièrement tendu, marqué par des tensions croissantes avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et des contestations internes sur la légitimité de son mandat.
Un différend sur la durée du mandat présidentiel
Au cœur des tensions actuelles figure la question de la fin du mandat d’Embalo. Élu en 2019 et investi en février 2020, son mandat présidentiel de cinq ans est censé arriver à son terme. Cependant, un débat juridique et politique agite la classe politique bissau-guinéenne :
•L’opposition estime que son mandat a pris fin le 27 février 2025, date à laquelle un nouveau président aurait dû être élu selon la Constitution.
•La Cour suprême de justice, pour sa part, a statué que le mandat présidentiel prendrait fin le 4 septembre 2025, permettant ainsi à Embalo de rester en fonction jusqu’à cette échéance.
Face à ces divergences, le président Embalo a récemment annoncé que les élections présidentielle et législatives se tiendront le 30 novembre 2025, une décision qui ne satisfait pas ses opposants.
Les tensions avec la Cédéao
Dans ce climat d’incertitude, la Cédéao a envoyé une mission diplomatique en Guinée-Bissau entre le 21 et le 28 février 2025 pour tenter de favoriser un consensus entre les différentes parties. Cependant, la situation s’est rapidement envenimée :
•Le président Embalo a jugé la mission de la Cédéao comme une tentative d’ingérence et a menacé de l’expulser du pays, affirmant que la Guinée-Bissau n’était pas une “République bananière”.
•En réaction, la mission de la Cédéao a écourté son séjour, quittant précipitamment Bissau le 1ᵉʳ mars 2025.
Ce bras de fer diplomatique complique encore davantage la situation politique du pays et met en lumière une rupture de confiance entre la Guinée-Bissau et l’organisation sous-régionale.
Une opposition qui promet une mobilisation massive
Face à ce qu’elle considère comme une tentative de maintien au pouvoir illégitime, l’opposition guinéenne, menée notamment par :
•Domingos Simões Pereira (chef de la Plateforme PAI Terra Ranka)
•Nuno Gomes Nabiam (Alliance Patriotique Inclusive – API)
a promis de “paralyser le pays” à travers des manifestations de grande ampleur. Des rassemblements ont déjà été organisés dans certaines villes, appelant à un respect strict du calendrier constitutionnel.
Le risque d’un affrontement entre partisans du gouvernement et forces d’opposition inquiète la communauté internationale, qui redoute une nouvelle crise politique et sécuritaire en Guinée-Bissau.
Un réalignement stratégique vers la Russie ?
Dans ce contexte de tensions internes et de distanciation avec la Cédéao, le président Embalo semble chercher de nouveaux alliés internationaux. Récemment, il s’est entretenu avec le président russe Vladimir Poutine, abordant des sujets liés à :
• La coopération économique
• Le partenariat sécuritaire
Cette rencontre pourrait signaler un réalignement stratégique de la Guinée-Bissau vers Moscou, au moment où plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont pris leurs distances avec la France et les institutions ouest-africaines.
Quelle issue pour la Guinée-Bissau ?
La situation en Guinée-Bissau reste extrêmement volatile. Plusieurs scénarios sont envisageables dans les prochains mois :
1.Un apaisement politique, avec un dialogue entre le gouvernement et l’opposition sous l’égide d’acteurs internationaux.
2.Une intensification des tensions, pouvant mener à une crise politique plus grave, voire à des troubles sociaux.
3.Un durcissement du régime, avec une répression des manifestations et une gouvernance de plus en plus autoritaire.
La Cédéao et d’autres partenaires internationaux devront surveiller de près l’évolution de la situation pour éviter une nouvelle crise en Afrique de l’Ouest.