CEDAO AES

Cédéao et AES : Une Coexistence Possible en Afrique de l’Ouest ?

La création de l’Alliance des États du Sahel (AES) par le Mali, le Burkina Faso et le Niger en 2023 a profondément bouleversé l’équilibre régional en Afrique de l’Ouest. Ce bloc, né d’une rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), soulève une question cruciale : ces deux entités peuvent-elles réellement coexister et collaborer dans un contexte géopolitique tendu ?

 

AES et Cédéao : Deux visions opposées de l’intégration régionale ?

La Cédéao, fondée en 1975, a pour mission principale l’intégration économique, politique et sociale des 15 États membres de la région. Elle repose sur des principes de libre circulation, d’union économique et de gouvernance démocratique, avec une intervention croissante dans les crises politiques et sécuritaires.

À l’inverse, l’AES, lancée en septembre 2023, repose sur un socle fondamentalement différent :

Priorité à la souveraineté nationale et au rejet des ingérences étrangères.

Approche militaro-sécuritaire, en réponse aux insurrections djihadistes qui frappent ces trois pays.

Remise en cause des sanctions de la Cédéao, perçues comme punitives après les coups d’État militaires au Mali (2021), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023).

Ces différences idéologiques et stratégiques ont conduit ces pays à quitter officiellement la Cédéao en janvier 2024, affirmant vouloir tracer leur propre voie dans la gestion des défis régionaux.

Des intérêts communs en matière de sécurité et d’économie

Malgré leurs divergences, la Cédéao et l’AES partagent des défis communs, notamment en matière de sécurité et de développement économique.

 

La lutte contre le terrorisme

Les trois pays de l’AES font face à une menace djihadiste persistante, qui menace également des États membres de la Cédéao comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Une coopération renforcée en matière de renseignement et d’opérations militaires serait bénéfique pour toute la région.

 

Le commerce et la libre circulation

L’interdépendance économique entre les pays de l’AES et le reste de la Cédéao est une réalité incontournable. L’application stricte des sanctions économiques a montré l’impact négatif d’un cloisonnement régional, notamment sur le commerce des produits agricoles et énergétiques.

Vers une reconnaissance mutuelle et une coopération pragmatique ?

L’issue des tensions entre les deux organisations pourrait prendre plusieurs formes :

Scénario 1 : Une reconnaissance officielle de l’AES par la Cédéao

Si la Cédéao adopte une posture plus conciliante, une reconnaissance mutuelle pourrait permettre une coopération sur des dossiers stratégiques, notamment la sécurité et l’économie. Cela nécessiterait des réformes diplomatiques pour garantir des relations stables entre les deux blocs.

Scénario 2 : Une concurrence régionale et une fragmentation de l’Afrique de l’Ouest

Si les tensions persistent, l’AES pourrait chercher à étendre son influence en intégrant d’autres pays partageant sa vision souverainiste, tandis que la Cédéao tenterait de se renforcer sans ses anciens membres. Un tel schisme affaiblirait la capacité de l’Afrique de l’Ouest à relever les défis communs.

 Scénario 3 : Une coopération pragmatique sans reconnaissance formelle

Même sans reconnaissance officielle, la nécessité d’une coordination sur des sujets comme la lutte contre le terrorisme et la gestion des flux économiques pourrait aboutir à une collaboration indirecte sur certains dossiers stratégiques.

 

Coexister ou s’affronter ?

La coexistence de la Cédéao et de l’AES est possible, mais conditionnée par un dialogue structuré et une volonté mutuelle d’éviter la confrontation.
Tant que les deux entités ne parviendront pas à harmoniser leurs intérêts, la région restera exposée à une instabilité accrue, freinant le développement et la lutte contre les menaces sécuritaires.

L’avenir de l’Afrique de l’Ouest dépendra donc de la capacité des dirigeants à privilégier une approche pragmatique, dépassant les divergences politiques au profit de la stabilité et du progrès régional.

Cedeao et AES

Cédéao et AES : Vers une Reconnaissance Mutuelle Après la Tournée du Président Ghanéen ?

La récente tournée diplomatique du président ghanéen, John Dramani Mahama, dans les capitales des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Bamako, Niamey et Ouagadougou – marque un tournant dans les relations entre l’AES et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Cette mission pourrait ouvrir la voie à une reconnaissance officielle de l’AES par la Cédéao, une évolution stratégique pour l’équilibre régional en Afrique de l’Ouest.

 

Contexte : Une fracture entre la Cédéao et l’AES

L’AES, formée en septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est née en réaction aux tensions avec la Cédéao après les coups d’État successifs ayant renversé les régimes civils dans ces pays.

  • Ces trois nations ont été suspendues de la Cédéao, puis ont annoncé leur retrait officiel en janvier 2024, dénonçant des sanctions économiques et politiques jugées injustes.
  • En réponse, elles ont consolidé leur propre alliance régionale centrée sur la coopération sécuritaire et militaire pour lutter contre le terrorisme et défendre leur souveraineté.

Jusqu’ici, la Cédéao avait refusé de reconnaître l’AES comme une entité régionale légitime. Cependant, la tournée du président ghanéen pourrait modifier cette dynamique.

Les enjeux de la tournée diplomatique du Ghana

John Dramani Mahama, envoyé spécial de la Cédéao, s’est rendu début mars 2025 à Bamako, Niamey et Ouagadougou avec un objectif clair : explorer les conditions d’un dialogue constructif entre la Cédéao et l’AES.

 

Objectifs de la mission :

  • Favoriser la réconciliation entre la Cédéao et les États membres de l’AES.
  • Encourager une reconnaissance de l’AES en tant qu’organisation légitime.
  • Renforcer la coopération sécuritaire pour lutter contre le terrorisme qui frappe la région.

Lors de ses rencontres avec Assimi Goïta (Mali), Ibrahim Traoré (Burkina Faso) et Abdourahamane Tiani (Niger), le président ghanéen a insisté sur l’importance d’un partenariat équilibré et sur la nécessité de préserver l’unité régionale malgré les divergences politiques.


Vers une reconnaissance officielle de l’AES ?

  • L’AES revendique une autonomie stratégique et militaire, mais n’exclut pas une coopération économique et sécuritaire avec la Cédéao.
  • La Cédéao, consciente des risques de fragmentation régionale, pourrait être amenée à institutionnaliser un dialogue avec l’AES, notamment pour harmoniser les efforts de lutte contre le djihadisme au Sahel.
  • Une reconnaissance mutuelle permettrait aux trois pays de retrouver un accès aux échanges économiques avec les autres États ouest-africains, sans remettre en question leur autodétermination.

 

Les défis et obstacles à surmonter

Incertitude politique : La Cédéao a historiquement défendu des principes démocratiques, alors que les gouvernements de l’AES sont issus de transitions militaires.

Harmonisation des stratégies de sécurité : Les doctrines militaires des deux organisations doivent être alignées pour une coopération efficace.

Impact sur les relations internationales : La reconnaissance de l’AES pourrait modifier les équilibres géopolitiques régionaux, notamment vis-à-vis des puissances étrangères impliquées en Afrique de l’Ouest.

Un tournant stratégique pour l’Afrique de l’Ouest

La tournée du président ghanéen marque une étape clé vers une potentielle normalisation des relations entre la Cédéao et l’AES. Si un compromis est trouvé, cela pourrait renforcer la stabilité régionale et permettre une coopération plus efficace face aux défis sécuritaires et économiques.

Toutefois, cette reconnaissance de l’AES par la Cédéao nécessitera des négociations approfondies et des engagements clairs de part et d’autre. L’avenir des relations entre ces deux blocs se joue désormais sur la capacité des dirigeants à concilier souveraineté nationale et intégration régionale.