Dette cachée du Sénégal : une bombe à retardement économique révélée

En mars 2025, un mot fait trembler la sphère économique et politique sénégalaise : “dette cachée”. Utilisé pour désigner des engagements financiers non déclarés ou dissimulés par l’ancien régime, ce terme met en lumière une réalité troublante : le niveau réel d’endettement du Sénégal serait bien supérieur à celui annoncé officiellement ces dernières années. Retour sur une affaire explosive aux lourdes conséquences.

Des chiffres officiels très éloignés de la réalité

Sous la présidence de Macky Sall, la dette publique était officiellement présentée comme étant sous contrôle, oscillant autour de 65 % du PIB selon les données du ministère des Finances de l’époque. Or, selon un audit indépendant de la Cour des comptes et une confirmation récente du FMI, la dette réelle atteignait en réalité près de 100 % du PIB en 2023, avec un déficit budgétaire de 12,3 %, soit plus du double des 4,9 % affichés officiellement.

Ces révélations ont mis à nu des pratiques de manipulation comptable, notamment le décalage dans la comptabilisation de certaines dépenses, ou encore l’inscription hors bilan d’engagements financiers liés à des partenariats publics-privés, à des dettes contractées par des entités parapubliques ou à des arriérés non déclarés.

Une onde de choc institutionnelle

La révélation de cette dette cachée a eu des conséquences immédiates. Le Fonds Monétaire International (FMI) a suspendu temporairement son programme d’aide en attendant des clarifications. Une situation critique pour un pays dépendant en partie des financements extérieurs pour soutenir son budget et ses projets d’investissement.

La crédibilité du Sénégal auprès des bailleurs internationaux a également été entamée, mettant en péril les capacités de financement à moyen terme, d’autant plus que les taux d’intérêt sur les marchés internationaux sont en hausse.

Enjeux politiques et poursuites judiciaires

Cette affaire a aussi des implications politiques majeures. Le nouveau gouvernement dirigé par Bassirou Diomaye Faye et soutenu par Ousmane Sonko a immédiatement lancé des audits et des enquêtes pour déterminer les responsabilités. Plusieurs anciens cadres de l’administration sont déjà dans le viseur de la justice, certains convoqués, d’autres mis en examen.

Pour les nouvelles autorités, il s’agit non seulement de restaurer la transparence, mais aussi de redonner confiance à la population et aux partenaires techniques et financiers. La lutte contre la mauvaise gestion et la corruption devient ainsi un pilier central du mandat présidentiel.

 Quelles leçons pour l’avenir ?

L’affaire de la dette cachée du Sénégal pose des questions fondamentales :

  • Comment renforcer la transparence budgétaire ?
  • Quel rôle pour les institutions de contrôle (Cour des comptes, IGE, ARMP) ?
  • Comment éviter les manipulations dans la comptabilité publique ?
  • Faut-il revoir la gouvernance des entreprises publiques et des PPP ?

Le gouvernement s’est engagé à moderniser les outils de gestion budgétaire, à imposer la publication régulière de données détaillées sur la dette, et à revoir la gouvernance financière des établissements publics.

Une crise… et une opportunité ?

Si cette dette cachée constitue une crise de confiance majeure, elle peut aussi être l’opportunité d’une refondation. À condition que les réformes annoncées soient mises en œuvre avec rigueur, courage et transparence. Le Sénégal, longtemps considéré comme un élève modèle en Afrique de l’Ouest, peut encore redresser la barre, à condition de tirer toutes les leçons de cette sombre page de sa gestion économique.

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